26 juin 1934 - TRAGIQUE COLLISION EN RADE DE LORIENT

Une vedette transportant 200 ouvriers de l’arsenal et du port est abordée par un vapeur et coule en partie

(Titre extrait de «L’Ouest Eclair » du mercredi 27 juin 1934)


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La « Prospérité » était un navire d’aspect similaire à la « Désirée », que l’on voit ici accostant à Pen Mané, mais de dimensions moindres.

Document : ©2009-LMDM/SCV/VED-CM - Don de l'administrateur à l'association en 2009 à l'occasion des 90 ans de Locmiquélic Archives SCV Locmiquélic

UN DRAME AFFREUX

 (Ce texte sera modifié en 2010 et donné au comité d'histoire pour l'édition de son 4° fascicule)


La vedette « PROSPERITE » abordée par la « MARIE-ANGE » coule avec une centaine de passagers


La presse locale a de tout temps rapporté bon nombre de faits divers mais hélas aussi bien des drames affreux tel celui survenu en notre bonne rade de Lorient le 26 juin 1934.
 
Les faits relatés évoquent une collision entre deux bateaux à passagers de sociétés concurrentes. Si cela se produisit au beau milieu de la rade, par temps calme et en plein jour la réalité poignante de ce drame, peut, de nos jours, paraître fort invraisemblable. Cependant replaçons-nous dans le contexte de l’époque où les transports en commun avaient le vent en poupe et où l’automobile était un luxe réservé aux nantis.
 
Le Nouvelliste du Morbihan et Ouest Eclair rapporteront les faits suivants : « ce jour, aux environs de 18h30, un vapeur de la Compagnie des Vedettes d’Arvor, le « Marie-Ange » revenait de Port-Louis avec quelques passagers à son bord. Sa route croisait près de l’estacade, une autre vedette la « Prospérité » de la société coopérative des vedettes de Locmiquélic qui ramenait de Lorient une centaine de passagers regagnant leur domicile après leur journée de travail.
 
Dans le chenal, pourtant bien large à cet endroit, le « Marie-Ange » aborda la « Prospérité ». Le choc brutal occasionna une brèche d’environ 20 cm de diamètre dans le flanc de la vedette et une voie d’eau se produisit aussitôt. La coque en bois de ce bateau construit en janvier 1933 aux chantiers ROY-PLAIDEAU de Pont Lorois n’a pas résisté à l’assaut de celle en acier du « Marie Ange ». Des cris fusèrent de partout. Certains naufragés, voyant la collision arriver, eurent le temps de sauter à bord du bateau abordeur. D’autres, dans l’affolement général, se jetèrent à l’eau et tentèrent de regagner tant bien que mal l’estacade toute proche. Ceux qui ne savaient pas nager tentaient de s’agripper aux autres au risque de les noyer. Le navire allait
sombrer sous peu. Certains hommes, restés calmes, essayèrent de porter secours principalement aux quelques femmes ayant préféré faire la traversée à l’abri dans l’unique chambre du navire. Coincées dans cet espace clos, elles ne durent leur salut qu’à ces braves qui durent opérer très rapidement car en un rien de temps, une grande moitié arrière de la « Prospérité » se retrouva sous les flots.
 
Le capitaine BORDIER du 11èmè régiment d’artillerie coloniale et un adjudant chef de l’intendance coloniale, témoins de la scène donnèrent aussitôt l’alerte. Très vite les secours s’organisèrent, plusieurs bateaux, notamment les vedettes « Kerbel » « Le Rêve », celles de la Marine Nationale ainsi que les chaloupes du croiseur « Condé » récupèrent très rapidement et en grande partie les naufragés.
 
Certains furent transportés sur l’estacade proche de deux cents mètres, d’autres vers la station radio de Pen Mané à Locmiquélic où déjà la foule venait aux nouvelles. On assistait alors sur ces deux sites à des scènes bien pénibles de tractions rythmiques. A Pen Mané, dès qu’un bateau accostait, les familles se pressaient pour savoir si l’être attendu faisait partie des rescapés.
 
Le bilan de cette catastrophe s’éleva à neuf morts et neuf blessés. Les corps de six victimes furent immédiatement transportés à l’hôpital maritime. Trois autres ne seront retrouvés que quelques jours plus tard.
 
Toutes les femmes furent sauvées. Un grand nombre d’entres elles furent hissées à bord de la « Marie-Ange » par les hommes. Selon certains témoignages, quelques unes durent leur salut à leurs longues et amples jupes qui leur servirent de bouées. Selon d’autres, ce serait en s’aidant des immenses paniers qu’elles avaient l’habitude de porter sur la tête.
 
Après cette mésaventure, bon nombre d’entre elles déclarèrent s’être rendues chez le rebouteux à la maison des choux à Lanester.
 
Dès le lendemain, une commission d’enquête composée de l’administrateur en chef de l’inscription maritime, de deux capitaines au long cours, d’un inspecteur de la navigation et de l’officier de port fut mandatée. Cette commission procéda aux constations et confrontations d’usage afin de déterminer les fautes nautiques et professionnelles et établir les responsabilités encourues.
 
Les deux patrons, reconnus responsables du naufrage en avril 1935, furent condamnés à trois mois de prison avec sursis et cinquante francs d’amende. Les deux armements, quant à eux condamnés à amende, durent verser près d’un million de francs de dommages et intérêts aux familles des victimes.
 
Le verdict rendu laissera apparaître que la « Prospérité », prévue pour transporter cent vingt passagers, en avait, d’après le résultat de l’enquête, cent trente et un à son bord. Qu’un grand nombre d’entre eux se trouvait sur le roof avant et de ce fait avait considérablement gêné la visibilité du patron depuis le poste de commandement.
 
Les deux navires furent désarmés au lendemain du naufrage.

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